- Accueil
- Littératures
- Littératures admin
- Histoire d'Halloween 10: Le masque des citrouilles
Histoire d'Halloween 10: Le masque des citrouilles
Le masque des citrouilles
Dans ce dossier intitulé « Les littératures », vous découvrirez un récit littéraire, imaginaire et fantastique, soigneusement concocté par votre administrateur. Ces histoires, peuplées de personnages intrigants et de mondes enchanteurs, vous invitent à un voyage au-delà des frontières de la réalité. Que vous soyez amateur de magie, d’aventures épiques ou de mystères insolubles, chaque récit a été pensé pour vous divertir et stimuler votre imagination.
Ce récit intitulé « Le masque des citrouilles », promet une intrigue riche en mystères et en révélations. Je vous encourage à vous plonger dans cette lecture, à laisser votre imagination s’envoler, et à découvrir comment chaque chapitre construit cette aventure fantastique.
Bonne exploration littéraire et que la magie des mots vous transporte loin, très loin !
Le masque des citrouilles
Chapitre I — Le murmure des champs
Le village de Brumesol était entouré de ronces et de champs qui, à l’automne, semblaient se serrer autour de lui comme des mains anciennes. Les citrouilles, elles, dominaient les verges et les tables des marchés avec leurs sourires timides gravés par le soleil couchant. On disait que, lorsque Halloween approchait, les champs vibraient d’un secret feutré, qu’un souffle léger traversait les feuilles et que, parfois, les citrouilles elles-mêmes s’animaient d’un regard … ou d’un souvenir.
C’était ce souvenir qui avait fait de moi un nouvel arrivant dans le village, moi qui m’appelais Éloi et qui venais chercher un travail auprès du père Dupont, le bourru boucher du coin. Mon appartement, une étroite chambre sous les combles, sentait la sciure et l’odeur métallique du sang frais, mais c’était suffisant pour vivre. Le soir, en sortant du travail, je marchais jusqu’au vieux cimetière au bord du bois, juste pour écouter le silence qui y reposait comme un enfant endormi. Je n’avais pas d’amis ici, pas de racines, seulement ce sentiment étrange que quelqu’un ou quelque chose m’observait depuis les ténèbres entre les pierres.
La veille d’Halloween, le marché s’éveilla plus que d’habitude. Des tonneaux de cidre, des paniers de pommes et surtout des citrouilles, de toutes formes et de toutes tailles, s’entassaient sur des tables recouvertes de tapis d’orties séchées. Une vieille femme, vêtue d’un manteau couleur de cendre, vendait une caissette de petites citrouilles sculptées, chacune avec un sourire gravé qui ne demandait qu’à être allumé par une chandelle cachée à l’intérieur. Elle m’a donné une citrouille, tout petite, avec un visage à demi effacé, comme si le temps avait déjà commencé son travail sur elle. « Pour que tu t’en souviennes, disait-elle, quand la nuit tombera, allume-la et écoute ton cœur. » J’avais pris la citrouille sans trop comprendre, mais j’avais payé avec des pièces qui ne valaient plus rien dans mon esprit : le sentiment d’appartenir à un lieu qui ne m’appartenait pas encore.
Plus tard, en rentrant chez moi, la lune s’était levée et brillait d’un blanc un peu froid sur le village. Je m’arrêtais près du champ où les citrouilles repoussent chaque année, près des barbelés qui délimitaient les cultures. Le chant lointain d’un corbeau traversait l’air frais et j’entendis soudain un bruit comme un petit claquement, puis un glissement, puis un souffle. Les feuilles, secouées par un vent félin, tremblaient autour de moi. Et c’est alors que les choses commencèrent à changer : dans mon esprit, une phrase, d’abord inaudible, se fit entendre, claire comme une cloche: “Regarde-toi, Éloi, regarde ce que tu portes devant toi.”
J’éteignis mes pensées et rentrai dans le silence de mon appartement. La citrouille de la vieille dame brillait sur la table, sa petite lumière vacillait dans une danse ténue. Je l’ai posée près du bord et j’ai laissé l’esprit de la nuit s’immiscer dans ma routine. Mais à peine avais-je posé mon regard sur le visage sculpté que j’ai entendu, très bas, une voix qui venait de l’intérieur de la citrouille, comme un souffle d’âtre ou un soupir contenu : “Viens, Éloi, viens voir ce que tu caches.”
Chapitre II — Le masque qui parle
Le lendemain, des bruits de pas et des rires d’enfants résonnaient dans le village, comme un présage qui s’obstinait à se rétracter. Je me sentais partagé entre la curiosité et la prudence, entre l’envie d’écouter et le désir de fuir. Dans ce trouble, l’objet qui avait pris une place étrange dans ma vie s’imposa à moi avec une évidence sourde : la citrouille était vivante, non pas d’un battement d’ailes ou d’un cœur, mais d’un souffle. Elle était vivante comme une mémoire qui se réveille.
Cette nuit-là, j’ai allumé la petite chandelle cachée à l’intérieur. La lumière tremblait et dessina des ombres qui dansaient sur les murs, comme des personnages qui sortent d’un livre. J’ai regardé les contours du visage sculpté et j’ai vu, plutôt qu’un dessin, un regard. Deux petites étincelles s’allumèrent dans les yeux de la citrouille. Elles n’étaient pas rouges, mais d’un jaune pâle, et elles semblaient contenir un autre monde.
La voix revenait, plus audible, plus présente : “Tu as peur de ce que tu es devenu, Éloi. Tu as fuit ton passé en venant ici, et le passé t’a suivi comme une chariotte.” Je me suis surpris à répondre, comme si la pièce était devenue ma confidente : “ Et toi, qui es-tu, si tu es une citrouille et si tu parles ? ” La réponse fut une tremblement de lumière dans le regard du masque et, dans ce tremblement, j’ai lu une promesse et une menace : promesse de révéler ce que je cachais à moi-même, menace de me lier à jamais à ce masque.
Dans la nuit, je me suis aventuré près des champs où les citrouilles s’alignent en rangs parfaits, comme des soldats à demi rendus. Le vent portait un parfum d’herbes et d’amertume. En approchant, j’ai entendu quelque chose se dénouer dans l’air, un ricanement à demi humain, un petit appel. Le masque me parlait sans mots, une langue qui ressemblait à la poussière qui tombe et s’éparpille : “Tu n’es pas tel que tu parais, Éloi. Tu es le fruit d’un oubli que Brumesol préfère ne pas rappeler.”
J’ai commencé alors à comprendre le sens de l’étrange marché du soir : la vieille femme qui m’avait donné la citrouille savait qu’elle pouvait réveiller, dans ceux qui osaient l’emporter, une mémoire enfouie. Et moi, sans le savoir, j’avais repris possession d’un passé que je croyais perdu, en même temps que je m’enfonçais dans une histoire qui n’était pas tout à fait la mienne.
Le masque m’apprit, peu à peu, à écouter mes propres pas. Il me montra les lieux que j’avais évités, les fissures dans ma mémoire qui s’évasent lorsqu’on les regarde de près. Je réalisai que j’avais fui un père disparu, une mère qui avait quitté le monde trop tôt, des silences qui pèsent lourd dans une vie sans ancre. Tout cela se levait autour de moi, comme un brouillard qui se dissipe lorsque l’on s’avance sans trembler. Le masque ne disait pas qui j’étais, mais ce que j’avais été et ce que je redoutais de devenir : un homme qui se contente d’exister sans jamais se souvenir.
Pourtant, être lié au masque n’était pas seulement un fardeau. C’était aussi une clé. En échange de la révélation des miroirs qui me distordaient, il m’offrait une porte vers un lieu où les morts parlent et où les secrets ne meurent jamais vraiment. Le masque avait sa propre mémoire, et il souhaitait la partager avec moi, à condition que je le porte, littéralement et symboliquement, comme une seconde peau.
Chapitre III — Le masque des citrouilles
Le troisième jour avant Halloween, le village tout entier parlait d’un étrange concours organisé par les anciens du village : celui qui aurait le masque le plus ancien, celui qui savait parler au cœur des citrouilles, serait proclamé Gardien des Champs. L’épreuve ne consistait pas à porter le masque le plus impressionnant, mais à comprendre ce qu’il disait. Bien sûr, les enfants riaient et les adultes souriaient avec ce mélange d’ennui et d’espoir qui accompagne les superstitions, mais moi, j’étais seul à sentir que le destin venait frapper à ma porte.
Je me présentai au marché pour une dernière fois. À l’étage du petit café, les anciens sirotaient leur café noir et parlent à demi-voix des temps où Brumesol était une ligne de front contre des forces qui réclamaient les âmes des vivants. L’homme qui parlait le plus doucement, un ancien aux doigts tremblants et aux yeux qui brillent comme des étoiles noires, me tendit une pomme et un petit paquet écrit de la main de la vieille marchande qui m’avait donné la citrouille. “Si tu veux comprendre ton masque, porte-le comme on porte une mémoire,” dit-il. “ Et écoute la terre qui parle par les feux de bois et les feuilles mortes.”
De retour chez moi, j’ai posé la citrouille sur la table. Elle était devenue lourde d’un sens que je ne pouvais décrire. J’ai retiré la nappe et j’ai allumé chaque chandelle, puis j’ai regardé longuement le visage gravé sur le masque. Dans le silence, la citrouille a commencé à chuchoter. D’abord une phrase, puis une autre, et une autre encore, jusqu’à ce que tout un récit se mette à se déployer comme un origami de secrets.
Elle parlait d’un temps où Brumesol n’était qu’un village ostracisé par les tempêtes et les rumeurs, un temps où les agriculteurs avaient juré de protéger les champs contre les bêtes qui sorts de la forêt. Une bête n’était pas une créature, mais un oubli qui s’est transformé en peur et que l’on nourrit avec le silence. Le masque, disait-elle, est né de cette peur, façonné par les gestes répétitifs des villageois qui, chaque année, plantaient des citrouilles comme pour contenir l’angoisse liée à une nuit où les vivants ne savent plus qui ils regardent dans le miroir.
“ Tu es la clé et le gardien,” disait le masque, mais pour que la clé reste, il faut accepter le poids des vérités que tu portes. Je compris alors que mon retour ici n’était pas une coïncidence. J’avais été tiré par une corde invisible vers ce que Brumesol avait voulu oublier. Le père disparu, la mère disparue, les silences… tout cela s’emboîtait comme les pièces d’un puzzle que je n’avais jamais voulu assembler.
Le soir d’Halloween, la lune était haute et blanche comme une coquille vide. Le village s’était réuni autour du champ des citrouilles où, autrefois, les enfants avaient joué à faire jaillir la lumière de chaque tête de légume. Cette fois, les citrouilles semblaient plus nombreuses, et leurs visages avaient des expressions qui n’étaient ni joyeuses ni tristes, mais pleines de la sagesse inquiétante des choses oubliées qui redeviennent vivantes lorsque quelqu’un pose une question.
On me remit le sceptre des Gardiens, ce masque que tout le monde pense être une décoration mais qui est en vérité un instrument de mémoire. Je l’ai porté, et à travers lui, j’ai entendu le village parler, non pas avec des mots, mais avec des gestes et des présages. Les chutes de feuilles tombaient à une cadence qui semblait synchronisée avec le rythme de mes battements de cœur. Les voix se faisaient plus claires et, petit à petit, les souvenirs qui m’accompagnent prirent forme devant mes yeux.
Je vis d’abord mon père, jeune et robuste, le visage à la fois fier et dur, expliquant à ma mère comment la terre garde les secrets des saisons. Puis ma mère, fragile mais tenace, me disant que l’amour est une force qui ne se voit pas, mais qui peut alimenter une vie entière. Puis mon propre visage, un homme qui avait perdu le cap et qui cherchait, dans les yeux d’autrui, les raisons de continuer. Tout cela me revint comme s’il avait été écrit dans les lignes même que j’avais effacées sur ma mémoire.
Et puis, comme une évidence qui éclatait dans le silence, le masque parla clairement: “Le temps a besoin de témoins. Toi, Éloi, tu es devenu le témoin du champ et du foyer. Tu as vu ce que personne d’autre ne veut voir et tu sais pourquoi personne n’ose regarder dans le miroir des citrouilles. Tu dois prendre soin du secret, non pas pour le garder loin des autres, mais pour qu’il ne détruise personne qui ne serait pas prêt à l’entendre.”
Les habitants de Brumesol, qui regardaient ce qui se passait autour du champ, se tiennent immobiles. Il n’y avait plus la riure facile ni l’air de marché; il n’y avait que le bois qui crissait, les citrouilles qui s’illuminent d’une lueur nouvelle, et le mur invisible qui se clôt derrière les sourires, comme si le monde avait tourné une page et s’était retrouvé face à face avec son propre souvenir.
Au moment où le dernier souffle d’Halloween s’éteignit, les citrouilles se tordirent légèrement, et un rire calme, presque satisfait, s’éleva du champ. Je sentis que le masque me libérait de ce que j’avais cru être moi-même, mais qui était en réalité la somme de tous les oublis que Brumesol avait accumulés. Je me tenais, à nouveau, sans peur, regardant autour de moi les silhouettes qui s’éloignaient, les enfants qui revenaient chez eux avec leurs sacs lourds de friandises et de peurs partagées, les adultes qui rangeaient les chaises autour des tables, les vieilles femmes qui riaient doucement de ce que le monde pense être normal, et qui savent que l’Halloween est surtout une porte.
Je m’adresse maintenant, non pas au lecteur, mais au témoin qui se demande ce qu’est ce masque et pourquoi il existe. Le masque des citrouilles n’est pas une malédiction, même si sa naissance a été tracée par les peurs d’un village et les blessures de ses habitants. C’est une mémoire qui peut être portée ou non, selon le courage de celui qui accepte de regarder ce qui est caché. Moi, Éloi, j’ai choisi de porter ce masque comme une conscience, pas comme un déguisement. J’accepte le poids des vérités, même celles qui font mal, même celles qui obligent à renoncer à une illusion de sécurité.
Le chapitre se referme sur Brumesol qui, peut-être pour la première fois depuis longtemps, respire sans s’étouffer. Un souffle de vent passe, et dans le champ, les citrouilles s’embrasent d’un halo jaune-doré, comme si elles s’accordaient pour rappeler à chacun qu’Halloween, au fond, est une fête qui parle de mémoire, de perte et de rédemption.
Et moi, qui ai commencé ce récit avec la peur d’un silence, je termine avec une certitude : ce masque, aussi banal qu’apparaît son visage taillé dans le fruit, est devenu le garde-fou de ma propre voix. Dans la nuit qui suit, lorsque le monde se retire dans le sommeil, je sais qu’il existe d’autres souvenirs, d’autres champs, d’autres citrouilles qui attendent, comme autant de âmes, d’être éclairés par une même lumière. Et tant qu’il y aura des citrouilles et des histoires à raconter autour d’un feu, Le masque des citrouilles continuera à parler à ceux qui veulent bien écouter.
Si jamais quelqu’un lit ces lignes et se demande ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, qu’il se souvienne de ceci: les choses qui paraissent inoffensives peuvent contenir des vérités qui nous réveillent. Halloween n’est pas seulement une fête où l’on porte des masques. C’est une invitation à écouter les voix que nous cachons, à regarder ce que nos silences dissimulent, et à accepter que le passé, loin d’être figé, peut revenir à pas lents, comme une pluie fine qui rend la terre prête à recevoir une nouvelle graine. C’est peut-être cela, le véritable miracle du masque des citrouilles: il transforme la peur en mémoire et la mémoire en avenir.
Cordialemen votre admin